La criminalisation du VIH décrit l’application injuste du droit pénal contre les personnes vivant avec le VIH sur la seule base de leur statut sérologique. Ceci comprend l’application de dispositions pénales spécifiques ou l’application du droit pénal général pour poursuivre des personnes vivant avec le VIH pour transmission involontaire du VIH, exposition perçue ou éventuelle au VIH et/ou non-divulgation du VIH par une personne qui connaît son statut.
La criminalisation du VIH est un phénomène mondial croissant qui nuit à la santé publique et aux droits humains, affaiblissant ainsi la riposte au VIH.
Quels sont les comportements visés par ces lois?
La pénalisation du VIH existe avec l’application de dispositions pénales spécifiques ou par l’application du droit pénal généralexclusivement ou disproportionnellement contre les personnes séropositives
Dans de nombreux cas, les lois se rapportant à la pénalisation du VIH sont trop générales, que ce soit dans leurs formulations explicites, ou dans la façon dont elles ont été interprétées et appliquées, ce qui rend les personnes vivant avec le VIH (et les personnes perçues par les autorités comme exposées aux risques de VIH) extrêmement vulnérables à de nombreuses violations des droits de l’homme.
En général, ces lois sont utilisées pour poursuivre les individus conscients de leur VIH, qui sont présumés ne pas avoir divulgué leur statut sérologique avant d’avoir des rapports sexuels (non-divulgation du VIH), ou qui sont perçus comme ayant potentiellement exposé autrui au VIH (exposition au VIH), ou perçus comme ayant transmis le VIH (transmission du VIH).
Dans de nombreux pays, une personne vivant avec le VIH reconnue coupable d’autres “crimes”, notamment, mais pas exclusivement, pour le travail du sexe, ou une personne qui crache ou qui mord un membre des forces de l’ordre au moment de son arrestation ou pendant son incarcération, fait souvent face à des condamnations plus sévères, même lorsque l’exposition ou la transmission du VIH n’était pas possible, ou qu’elle représentait au plus, un risque très petit.
Quelle est l’étendue de la pénalisation du VIH?
En mars 2023, 91 pays (114 juridictions) disposent d’une forme de droit pénal spécifique au VIH, et on sait que 41 autres pays (61 juridictions) ont appliqué des dispositions pénales générales pour poursuivre des personnes vivant avec le VIH pour non-divulgation présumée du VIH, exposition perçue ou potentielle au VIH, et/ou transmission non intentionnelle.
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Quelles sont les conséquences de la pénalisation du VIH sur la riposte au VIH?
La pénalisation du VIH compromet les objectifs de santé publique à bien des égards.
Les poursuites, et l’attraction médiatique qui s’ensuit, isole et dramatise le VIH de façon fortement stigmatisante, en présentant le diagnostic de VIH comme une catastrophe et les personnes séropositives comme une menace inhérente pour la société. Suggérer des poursuites pénales comme une première réponse ou une réponse adaptée en cas d’exposition perçue ou éventuelle au VIH n’est pas une approche appropriée. Ce type de stigmatisation rend encore plus difficile la divulgation du VIH aux partenaires intimes. Certaines données suggèrent que la pénalisation du VIH pourrait dissuader les individus à faire le test de dépistage, particulièrement parmi les communautés les plus vulnérables à l’infection au VIH. Encourager le dépistage du VIH est un élément essentiel pour une riposte efficace: un diagnostic positif est la première étape vers l’accès au traitement antirétroviral bénéfique à la santé, et un résultat négatif, la première étape vers l’accès à la prophylaxie pré-exposition, deux outils essentiels de la prévention du VIH.
La pénalisation du VIH peut également nuire à la relation thérapeutique entre une personne vivant avec le VIH et le personnel de santé, et ainsi réduire la capacité des soignants à offrir un soutien et des conseils francs sur les stratégies de réduction des risques. En effet, certains prestataires de santé ont été obligés de témoigner devant les tribunaux au sujet de leurs échanges avec leurs patients.
La pénalisation du VIH porte également atteinte à la recherche dans les domaines de la prévention, du traitement et des soins du VIH en raison de la crainte des chercheurs et des participants de voir des données normalement tenues confidentielles saisies par les forces de l’ordre et utilisées dans une affaire criminelle. Elle renforce également les inquiétudes quant à l’utilisation de nouvelles technologies pour suivre l’évolution de l’épidémie, comme par exemple la surveillance moléculaire du VIH.
Quel est l’impact de la pénalisation du VIH sur les droits de l’homme?
La pénalisation du VIH porte atteinte aux droits des personnes vivant avec le VIH, dont beaucoup appartiennent aussi à des communautés marginalisées ou criminalisées. Des menaces de dénonciation à la police pour non-divulgation du VIH ont été utilisées comme forme d’abus ou de représailles à l’encontre de partenaires séropositifs présents ou passés. La pénalisation du VIH expose les personnes vivant avec le VIH – et plus particulièrement les femmes (mais pas uniquement) – à des risques accrus de violence et de maltraitance et ignore le fait que certaines personnes ne sont pas en mesure de divulguer leur statut sans danger ou de demander à leur partenaire d’utiliser un préservatif.
Les déclarations stigmatisantes des forces de l’ordre ou des agences de santé publique, et la couverture médiatique, y compris la publication des noms complets et de photos de personnes poursuivies– même s’il ne s’agit que d’allégations – peuvent avoir des conséquences dramatiques pour les personnes vivant avec le VIH dont le statut sérologique est ainsi révélé publiquement et qui sont présentés comme des criminels. De telles révélations peuvent entrainer une perte d’emploi, de logement, l’ostracisme social ou même à la violence physique. Les enquêtes et les poursuites ont souvent un impact disproportionné sur les minorités raciales et sexuelles, les migrants et les femmes. Les accusés disposant de peu de ressources n’ont pas forcément accès à une représentation juridique adéquate.
Dans certains cas, les infractions les plus graves du droit pénal d’un pays (par exemple voies de fait graves, agression sexuelle et tentative de meurtre) sont utilisées pour poursuivre la non-divulgation du VIH alléguée avant des relations sexuelles consensuelles. Les sanctions sont souvent disproportionnées par rapport au préjudice causé, comme de longues peines d’emprisonnement et / ou l’enregistrement en tant que délinquant sexuel. Les personnes qui n’ont pas la nationalité de leur pays de résidence risquent aussi d’être expulsées s’ils sont reconnus coupable, ce qui peut signifier, pour certains, la fin de leur traitement ou et de l’accès aux soins
Comment la pénalisation du VIH s’articule-t-elle avec d’autres formes de pénalisation, de discrimination et de stigmatisation ?
Loin d’être un outil légitime de santé publique, la pénalisation du VIH est plus souvent utilisée comme mécanisme indirect pour renforcer le contrôle de l’État, la surveillance des groupes marginalisés et la répression des vulnérabilité sociale.
La pénalisation du VIH est également souvent associée à d’autres sanctions pénales ou punitives, telles que celles appliquées aux travailleurs du sexe, aux transsexuels, aux migrants en situation irrégulière, aux consommateurs de drogues et lorsque les relations sexuelles entre personnes de même sexe sont criminalisées, et elle aggrave les préjudices causés par ces sanctions.
Les risques de poursuites en vertu des lois sur la pénalisation du VIH sont plus élevés pour les personnes victimes de discriminations multiples, notamment en raison de leur race, de leur appartenance ethnique, de leur statut de migrant, de leur sexe, de leur identité de genre ou de leur orientation sexuelle, ainsi que pour les personnes incarcérées ou vivant dans d’autres établissements fermés, les personnes sans abri et les personnes handicapées, notamment celles souffrant de problèmes de santé mentale.
Où puis-je trouver des informations supplémentaires ?
La Stratégie mondiale de lutte contre le sida de l’ONUSIDA (2021-2026) reconnaît explicitement que la pénalisation du VIH est un obstacle à l’élimination du VIH d’ici 2030 à titre de menace pour la santé publique, et a fixé de nouveaux objectifs mondiaux audacieux: que moins de 10 % des pays criminalisent excessivement la non-divulgation, l’exposition ou la transmission du VIH d’ici à 2025, et que moins de 10 % des personnes vivant avec le VIH soient victimes de stigmatisation et de discrimination dans divers contextes, y compris dans le système juridique pénal.
Vous trouverez beaucoup plus d’informations sur le site du HIV Justice Network et HIV Justice Academy. Les documents essentiels suivants, rédigés à l’échelle mondiale, apportent des informations de base indispensables à notre travail.
- ONUSIDA/PNUD Politique générale, 2008
- Déclaration d’Oslo sur la criminalisation du VIH, 2012
- UNAIDS, 'Ending overly broad criminalisation of HIV non-disclosure, exposure and transmission: Critical scientific, medical and legal considerations', 2013
- Barré‐Sinoussi et al. 'Déclaration de consensus d'experts sur la connaissance scientifique relative au VIH dans le contexte du droit pénal', 2018
- PNUD, 'Orientations pour les procureurs sur les affaires pénales liées au VIH', 2021